C'EST QUOI L'HERBORISTERIE ?
Que ce soit pour se nourrir, se soigner ou encore se vêtir, les humains ont toujours vécu aux côtés des plantes. Celles-ci possèdent des vertus et secrets innombrables notamment pour la santé mais elles peuvent également s’avérer dangereuses si on ne sait pas comment les consommer.
Au cours des millénaires, les anciens ont patiemment accumulé un savoir empirique immense qui se perd aujourd'hui. En effet, les avancées technologiques et scientifiques du monde actuel ont peu à peu fragilisé ce lien vital entre l’humain et le monde végétal.
Heureusement, parmi les professionnels qui travaillent encore avec les plantes médicinales, on trouve les herboristes. Grâce à eux, ce savoir ancestral perdure et continue de s’enrichir. Mais à quoi ressemble aujourd’hui ce métier méconnu? Quelle est son histoire, comment perdure-t-il dans notre société technologique, comment travaillent les herboristes et comment sont-ils formés?
Qu'est ce que l'herboristerie ? Éclairage sur l’un des plus vieux et des plus beaux métiers du monde.

QUE VEUT DIRE HERBORISTERIE ?
Le terme Herboristerie se rattache à la fois à un métier et à une boutique. Une boutique dans laquelle on peut se procurer des plantes aromatiques et médicinales de très grande qualité, sur les conseils d’un herboriste. Un métier qui englobe à la fois les paysans-herboristes et les herboristes de comptoir.
De la culture au séchage des plantes qu’il a fraîchement récoltées avec soin, en passant par leur conservation et leur transformation en tisanes, teintures, huiles ou autres baumes afin d’en extraire tous les bénéfices, le paysan-herboriste sait identifier les plantes aromatiques et médicinales dont il maîtrise toute la chaine de production. A travers sa pratique, il oeuvre pour le respect et la conservation de la biodiversité afin de ne pas tarir les sources d’un tel trésor dont il connait les pouvoirs.
En boutique, l’herboriste dit de comptoir accueille les clients désireux de prendre soin de leur santé naturellement. « A l’Herboristerie de Vannes, on trouve des plantes sous toutes leurs formes. On crée des recettes sur mesure, on confectionne les mélanges de tisanes à la main, sur place. C’est un honneur de mettre en lumière les plantes de production locale et le travail de producteurs passionnés. On partage leurs valeurs et l’amour du végétal », explique Nolwenn, gérante de l’Herboristerie de Vannes.
L’herboriste est un éducateur de santé qui écoute, guide et échange avec les clients en contribuant ainsi à redonner vie au lien qui les unit à la Nature. Il connait parfaitement les plantes et les molécules naturelles contenues dans cet or vert ainsi que leur action sur l’organisme.
Même si ce chiffre est en hausse, il n’existe aujourd’hui plus qu’une cinquantaine d’Herboristeries en France contre plus de 5 000 en Allemagne. En revanche, les paysans-herboristes sont nettement plus nombreux. En 2018, ils étaient plus de 750 sur l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, on en compte plus de 150 en activité rien qu’en Bretagne.
L'HISTOIRE DE L'HERBORISTERIE
Aussi loin que l’on puisse remonter, on trouve des traces de la connaissance et de l’utilisation des plantes dans toutes les civilisations antiques.
Des tablettes d’argile sumériennes (environ 3 000 avant JC) mentionnaient déjà près de 250 espèces de plantes ainsi que des techniques de préparation et d’utilisation de celles-ci. De nombreux papyrus égyptiens détaillant comment préparer les plantes pour se soigner ont été retrouvés. Les médecins de l’Ayurvéda (médecine traditionnelle Indienne apparue il y a environ 5 000 ans) ont toujours utilisé les plantes pour soigner, à l’instar de ceux de la Médecine traditionnelle chinoise (apparue il y a plus de 3 000 ans), dont la pharmacopée regroupe aujourd’hui plus de 5 000 plantes.
En France, le métier d'herboriste a été reconnu pour la première fois en 1312. Il faudra attendre 1803 pour qu’un certificat d’herboriste soit créé et délivré par l’École Supérieure de Pharmacie. En 1927, l'École Nationale d'Herboristerie de Paris voit le jour. Ce certificat sera supprimé en 1941 par le régime de Vichy et n’a pas été rétabli depuis.
La dernière herboriste officiellement diplômée, Marie Roubieu, s’est éteinte en 2018 à l’âge de 97 ans.

FOCUS HERBORISTES DU XXe SIÈCLE
Docteur Jean Valnet (1920-1995) souvent appelé Docteur Nature en référence à son ouvrage éponyme, était un médecin et chirurgien militaire français jusqu’en 1959. Sur les terrains de guerre où les médicaments et antibiotiques manquaient, il utilisera les plantes et les huiles essentielles pour sauver les soldats blessés. Il quittera ensuite l’armée pour exercer comme médecin généraliste à Paris et se consacrera à l’étude et à l’enseignement de la phytothérapie et de l’aromathérapie qu’il contribuera à faire connaître au grand public au travers de nombreux ouvrages. « La Nature reste encore et sans doute pour longtemps, le plus perfectionné de tous les laboratoires du monde ».
Maria Treben (1907-1991) était une herboriste et auteure autrichienne. Pionnière de la phytothérapie, elle a consacré sa vie aux plantes médicinales et a largement diffusé son savoir au plus grand nombre à travers ses ouvrages vendus à plus de 12 millions d’exemplaires et traduits dans plus de 20 langues, tels que La santé à la pharmacie du Bon Dieu : « Tout ce que je sais est dans ce livre » ! Dira-t-elle. C'est à elle que l'on doit le retour de l'Elixir du suédois, célèbre boisson digestive préparée avec plus de 50 plantes.
Marie-Antoinette Mulot (1919-1999) obtient en 1941, le dernier diplôme d’Herboriste décerné en France : « En 1941, le gouvernement de Vichy assassina la profession pour les générations à venir en supprimant le diplôme la même année », expliquait-elle dans son ouvrage phare, Secrets d’une Herboriste. Elle est décrite comme celle qui a su créer un trait d’union entre la connaissance empirique des plantes et les connaissances modernes de la pharmacopée d’aujourd’hui.
Michel Pierre (né en 1946) est à la tête depuis 1972 de l’Herboristerie du Palais Royal à Paris créée en 1739. Préparateur en pharmacie de formation, c’est un fervent défenseur de l’Herboristerie qui se bat pour que l’usage des plantes reste ancré dans nos cultures, au travers de nombreux ouvrages de phytothérapie et d’interventions dans les médias, mais aussi pour que le métier d’herboriste soit reconnu officiellement, à nouveau. Il crée en 2015 le Syndicat des herboristes Synaplante dont il dira qu’il a « vocation à aider les herboristes de comptoir ou toute personne désireuse de vendre des plantes aromatiques et médicinales au public ».
Christophe Bernard - AltheaProvence (né en 1971) : « La plus grande école que j’ai suivie, c’est ma pratique de conseiller ». Ingénieur de formation, il se forme à l’Herboristerie aux Etats-Unis et commence à pratiquer à la fin des années 2000. En 2015, il fonde Altheaprovence, une école en ligne formant à l’utilisation des plantes. Il enseigne également la phytothérapie à l’école Lyonnaise des Plantes Médicinales. Auteur de plusieurs ouvrages et articles dans des magazines spécialisés des plantes, il anime avec succès un podcast et une chaine Youtube dans lesquels il partage au grand public une multitude d’informations autour de la plante.
LE STATUT ACTUEL DE L'HERBORISTERIE
Un vide législatif préjudiciable
Depuis que le diplôme d’Herboriste a été supprimé en 1941 en France, la vente de plantes médicinales et les conseils nécessaires à leur utilisation sont tombés sous le monopole des pharmaciens. Et il s’agit là d’une exception en Europe. Partout sur le continent la profession d’herboriste est autorisée et reconnue grâce à des formations diplômantes. Il en va de même au Canada et aux Etats-Unis.
Conscient de la nécessité d'offrir un meilleur accès aux plantes, l’Etat français décidera dans un premier temps en 1979, d'autoriser la vente libre de 39 plantes inscrites à la Pharmacopée puis dans un second temps en 2008, ce nombre passera à 148 plantes du fait de leur usage alimentaire. Cela veut dire qu’une infime partie des plantes médicinales utilisées traditionnellement peuvent être vendues librement, donc sans obligation de formation. « Il est nécessaire que le métier soit cadré car en l’absence de diplôme, tout le monde peut ouvrir une Herboristerie même sans études d’Herboristerie ou de Pharmacie. Or les plantes peuvent être aussi bénéfiques que maléfiques. Il est essentiel de connaître les dosages d’utilisation, les usages, la qualité, les contre-indications, sinon on peut faire des dégâts », explique Nolwenn, gérante de l’Herboristerie de Vannes.
Se battre pour le retour du diplôme et la reconnaissance du métier
Jean-Luc Fichet, sénateur du Finistère de 2008 à 2014 puis de nouveau en activité depuis 2017, a déposé en 2011 une proposition de loi allant dans ce sens : « Il est nécessaire de créer une profession qui seule sera habilitée à vendre les plantes « libéralisées » qui ne sont plus dans le monopole pharmaceutique. C'est le seul moyen de protéger au mieux le consommateur. Celui qui voudra vendre des plantes devra être titulaire du diplôme d’herboriste ».
Il évoque également le risque que représente ce monopole pharmaceutique, entraînant la perte d’usage et de connaissance des plantes face à la molécule de synthèse : « Aujourd'hui, l'Herboristerie représente environ 3 % des ventes des pharmacies et les conseils prodigués dans ce domaine sont pratiquement inexistants. De plus, sur le plan économique, la vente de plantes n'offre pas de marges aussi importantes que celle de médicaments chimiques ».
Dans ce texte, le sénateur Jean-Luc Fichet défend également les bénéfices pour la société du retour des herboristes : « Le développement de l'Herboristerie permettrait d'agir efficacement en complémentarité des traitements traditionnels et contribuerait ainsi à la maîtrise du déficit de notre système de sécurité sociale. Ce serait également une réponse pour améliorer la prévention et le bien-être ».
Cette proposition de loi n’aboutira pas.
En 2018, Joël Labbé, sénateur du Morbihan de 2011 à 2023, relance les échanges autour de la reconnaissance et des contours du métier d'herboriste grâce à une mission d’information au Sénat, dont il sera le rapporteur.
Nolwenn raconte : « Lorsque j’étais adjointe à l’Environnement au Conseil municipal d’Arradon (Morbihan), j’ai eu la chance d’échanger avec Joël Labbé. Même s’il n’est plus sénateur aujourd’hui, il continue de porter ce beau projet en fédérant. Communiquer sur le métier c’est s’engager, je le fais à mon échelle avec l’Herboristerie de Vannes ».
Dans le cadre de cette mission d’information, les auditions d’une centaine d’acteurs de la filière de l’Herboristerie ont fait ressortir que « des exemples étrangers et la réalité du terrain montrent la possibilité et l’intérêt d’un exercice en bonne intelligence entre herboristes et professionnels de santé, dès lors que les rôles sont clairement définis ».
Par ailleurs, le constat sera fait que cette reconnaissance du métier « suscite des réticences, de la part des représentants des professionnels de santé qui estiment qu’une profession intermédiaire, autonome des pharmaciens, ne serait pas à même de protéger la santé publique en raison des actions complexes des plantes ». D’où les demandes répétées des herboristes d’encadrer les formations.
Un début d’évolution favorable pour l’Herboristerie
Ces combats au côté des syndicats et acteurs de l’Herboristerie ont en partie porté leurs fruits puisqu’ils ont abouti en 2023 à l’enregistrement au RNCP (Registre National des Certifications Professionnelles) du titre de paysan-herboriste, apportant avec lui la reconnaissance de ce métier précieux jusqu’en 2026, date à laquelle la situation sera réexaminée.
En revanche, rien n’a évolué pour les herboristes de comptoir qui continuent d’errer dans ce désert législatif.
LES FORMATIONS D'HERBORISTERIE
Pour permettre un exercice de la profession sans risque, les 5 écoles d’Herboristerie se sont regroupées en 2014 au sein de Fédération Française des Ecoles d’Herboristerie (FFEH) et proposent un programme d’enseignement commun qui s’étend sur 2 à 3 années d’apprentissage. « On apprend à bien connaître la plante afin de ne pas faire d’erreur et de la conseiller dans le respect des législations française et européenne. Si elles sont conseillées à bon escient, les plantes présentent une absence de toxicité et apportent du mieux-être, du drainage, des nutriments pour la construction des tissus, éliminent les toxines et restaurent sans effets secondaires ni dépendance », explique Marie-Jo Fourès, co-fondatrice en 1995 et formatrice référente de l’Ecole Bretonne d’Herboristerie.
Au programme de ces formations : botanique, anatomie et physiologie, biologie végétale, pharmacognosie (étude des médicaments d’origine végétale ou animale), problématiques des systèmes de santé (digestif, respiratoire, peau, etc…) et les réponses qui peuvent être apportées par l’Herboristerie, mais aussi la chimie afin de connaître les grandes molécules qui font les propriétés des plantes médicinales.
Nolwenn revient sur sa formation d’herboriste qu’elle a suivie à l’Ecole Bretonne d’Herboristerie jusqu’en 2020 : « Dans la formation, on a énormément de savoir transmis sur les plantes et leurs actions. Les molécules des plantes interagissent avec les nôtres, il faut comprendre comment. Et la pratique est indispensable pour continuer d’apprendre car une plante n’agit pas de la même façon sur tout le monde, c’est l’expérience qui va permettre d’appréhender ce point ».
Depuis 30 ans, Marie-Jo Fourès travaille sur la santé par l’alimentation et les plantes aromatiques et médicinales. Ancienne infirmière titulaire d’un DU de phytothérapie aromatique (Paris XIII) et d’un titre d’Heilpraktiker (Allemagne), elle oeuvre pour la transmission de son savoir et de sa riche expérience : « C’est important de transmettre le savoir-faire traditionnel expérimenté et appliqué par les anciens et aujourd’hui conforté par la recherche scientifique. Sinon on risque la perte de ce savoir qui est utile pour la santé, la recherche et la préservation de la biodiversité. La Terre est indispensable à l’humain, elle nous nourrit et nous soigne, il ne faut pas l’épuiser ni la dégrader ».
LES ÉCOLES D'HERBORISTERIE
LES VALEURS DE L'HERBORISTERIE

L’herboriste est un éducateur de santé responsable. Nolwenn raconte : « En venant dans une Herboristerie, on est sûr d’avoir un conseil personnalisé et adapté tenant compte des contre-indications. On prend le temps d’écouter nos clients et d’échanger avec eux pour trouver la solution adaptée et conseiller la bonne plante. Parfois, certains clients nous expliquent qu’ils veulent arrêter leur traitement médical ou le remplacer par des plantes. Il faut savoir dire non et renvoyer vers le médecin ! Nous n’avons pas de savoir médical mais on en a d’autres ! On fait du préventif et on apporte du mieux-être avec les plantes ».
L’herboriste est également soucieux de l’environnement et engagé dans sa préservation. « On connaît l’origine et les producteurs de nos plantes et chaque lot est controlé sur les taux de pesticides ou de molécules actives contenues dans la plante. Nous sommes des professionnels passionnés et engagés. Il faut faire attention au végétal et à la ressource. Nous ne devons pas l’épuiser pour la vente, ça n’aurait aucun sens. La Nature n’a pas besoin de nous mais nous si. Ce que la Nature peut nous offrir, on le met en avant mais si elle peut pas, on s’adapte. C’est elle qui gère nos stocks » ! Résume Nolwenn.
Le meilleur moyen de se laisser convaincre est de tenter l’expérience de pousser la porte d’une Herboristerie. L’accueil y est chaleureux, attentif et bienveillant, et l’odeur enveloppante des plantes qui y règne est déjà un soin en soi. A l’heure où les enjeux d’environnement, de santé et de souveraineté sont omniprésents, explorer le chemin du mieux-être grâce à la Nature dans le respect des ressources est un engagement fort et plein de sens. Et comme dit Marie-Jo Fourès : « L’avenir est à la plante » !